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Essai Ducati Multistrada 1200


Messages recommandés

L’ovni Italien
Apparue en 2003, le premier modèle Multistrada était concu autour d’un bicylindre en L Desmodue refroidi par air de 992 cm3 puis 1078 cm3 en 2006. Son design typé et ses qualités routières ne lui avaient pourtant amené qu’un accueil mitigé et une carrière modeste sur un secteur pourtant dynamique. Souvent considérée comme trop extrême, la Multi se métamorphose en 2010 et se présente comme un trail GT sportif, embarquant pléthore d’aides électroniques et une nouvelle motorisation Testastretta 11° ébouriffante de plus de 150 chevaux.

Découverte
C’est, avant tout, le niveau de finition particulièrement élevé qui transparaît sur cette nouveauté. Ajustement des éléments, qualité des matériaux, surfaçage, équipements… le grand pur sang italien est dans la lignée de ses sœurs roadsters et sportives.

C’est un pic, c’est un cap, non… c’est… pas si vilain en vrai, cet appendice nasal. Et, au final, on ne le perçoit rapidement plus. Surtout si vous optez pour une finition carbone… en version S.

Les clignotants sont intégrés aux protèges mains : c’est mieux pour être perçu, mais attention en ville aux rétro des monospaces et estafettes… Autre appendice, la bavette de roue arrière qui rappelle une concurrente germanique…

La dotation de série est plutôt bienvenue : deux prises de courant pour accessoires et système anti-patinage Ducati DTC. Ce modèle d’essai est doté de l’ABS ainsi que du « DES » : Ducati Electronic Suspension, qui agit selon 5 modes de pilotages proposés et se pare d’une fourche et d’un amortisseur Öhlins… autant d’options que n’intègre pas le modèle de base. La molette de précontrainte de l‘amortisseur se trouve à gauche sous la boucle arrière.

Un espace presque correct pour une moto moderne se trouve sous la selle et permet de placer une petite carte routière ou un bloc disque. Question anti-vol, un anti-démarrage et un Neiman éléctronique (eh, oui) s’assurent de garder la belle en vos mains.

La beauté transalpine protège son moteur Testastretta, issu de la 1198, derrière un sabot aluminium. Retravaillé, le bloc refroidi par liquide dispose de 150 CV à 9 250 tours et un couple maxi de 12,1 m/kg disponible à 7 500 révolutions/minute.

Le design est sportif, acéré : finesse des feux, étroitesse de la bulle, lignes tendues… il va y avoir du sport aux commandes de ce trail !

En selle
Trail ? Oui, enfin, sa hauteur et sa dénomination la situent dans ce créneau. A 850 mm, la selle culmine en effet haut, d'autant plus qu'elle est assez large... il faut mesurer un bon 1,80 m pour s'y jucher ou opter pour la selle base à l'achat (-25 mm). La position est ensuite plus fidèle à l’esprit de la marque qu‘aux standards du genre. On a, certes, moins l’impression d’être assis sur le réservoir, comme sur le Monster, mais le pilote est légèrement basculé sur l’avant, les reposes pieds sont un peu reculés et les mains tombent sur le large guidon de telle sorte que, instinctivement, on se sent déjà à l‘attaque. La selle, plutôt moelleuse au revêtement doux et antidérapant est assez courte et cale de suite le pilote dans cette position dynamique. Le réservoir, plastique, est étroit et laisse la place de « tourner autour ». Cà promet!

Les rétroviseurs dotés d’un champ large reflètent une image nette et efficace à l’usage. La petite bulle, au dessin anguleux, est réglable manuellement, sur une course de 60 mm en hauteur par molette.



Elle surplombe un compteur assez large à l’affichage tout digital, composé en deux parties : une vaste surface trapézoïdale regroupant un grand nombre d’informations et de fonctions (tachymètre, large barregraph de régime moteur, barregraphe de jauge, température moteur et via un bouton sur le commodo gauche, surplombant la commande de clignotant, kilométrage partiel et totalisateur) et un cadran rond. Dans celui-ci défile via pression sur le rappel de clignotant : mode de traction/suspension choisi (Touring, Urban, Enduro, Sport) et par un bouton sous les clignotants: odomètre, consommation instantanée, moyenne, température extérieure et temps de parcours écoulé… peut-on faire plus complet?

Un petit vide poche, non sécurisé, est intégré au carénage droit enveloppant le réservoir.

Ne cherchez pas ou mettre votre carte/clef de contact, le sésame est au commodo de droite : En abaissant une fois le curseur rouge par-dessus le bouton de démarreur, on met sous tension le tableau de bord qui s’illumine et s’initialise en un mignon ballet de diodes. On relève le curseur, dégageant le démarreur et on appuie… avec un peu d’habitude, c’est simple. Mais pourquoi absence de contacteur mais présence tout de même d’une carte-clef à languette métallique rétractable pour le bouchon de réservoir ? Donc, il faut toujours une clef…

Un toussotement hésitant provient du démarreur mais le moteur se lance soudain dans un grondement sourd souligné du chuintement métallique de la distribution desmodromique…

Les magnifiques flûtes plates des échappements produisent un grognement et un souffle puissant mais, comme les fameuses trompettes vuvuzela, pourront se révéler à la longue pour certains un peu pénibles tant elles sont sonores.

En ville
Assurez-vous de rester mesuré en actionnant la commande des gaz (asservis par système électronique Ride by Wire, permettant de choisir les différents mode de pilotage) : le cœur de la Multistrada 2010 bat fort et vite et votre permis risque de faire les frais de sa vivacité.

La belle se dirige sans effort, à son aise dans le trafic. Le twin cogne sous 2.500 tours et n’est agréable qu’à condition de rester sur le 3° rapport au mieux, soit un régime de 3.000 tours et une vitesse de 50 km/h. Le rayon de braquage super court (4,70m) est excellent et améliore d’autant les évolutions à vitesse réduite, d'autant plus que la belle est légère avec seulement 220 kilos tous pleins faits (189 kilos à sec).

Les commandes sont douces mais la boite claque et n’est pas avare de faux points morts (surtout entre le 4° et 5° rapport). La fourche inversée limite correctement les transferts de masse au freinage.

Autoroute et voie rapide
La bulle au design acéré donne une protection correcte au buste, le haut du casque et épaule restant soumis à la pression d’air. En cas de pluie, il est fort probable de goûter au bain de pied, cette zone étant en plein flux d’air.

La moto reste très stable et ne demande qu’à prendre de la vitesse. C’est d’ailleurs le problème rencontré le plus souvent. L’injection donne souvent l’impression d’hésiter entre deux régimes : soit ralentir, soit accélérer... système anti-pollution ou bridage ?

A 130 km/h, la Multistrada gronde tranquillement à 4.500 tours en 6°. Une légère rotation de la poignée vous mènera instantanément 500 tours plus haut à 150 km/h, puis 180 à 6.500 tours et les 200 km/h sont accrochés à 7.500 tours, très facilement et efficacement.

La position des bras est plus naturelle de par un écartement moins marqué que sur la BMW R 1200 GS, le guidon de l’italienne étant légèrement moins large.

Départementales
Ce modèle trouve ici son terrain de jeu : relances explosives, presque brutales malgré le bridage, plutôt réussi, à 106 CV. Seule l’allonge se trouve pénalisée par la réglementation castratrice. Sur le dernier rapport, on évolue à 75 km/h au minimum de 2.500 tours et 90 km/h à 3.000 révolutions/minute.

On réalise très vite que la position du pilote constatée à l’arrêt prend ici tout son sens. Calé contre la selle passager, basculé en avant, le pilotage sportif prend le dessus.

Bondissant d’un virage à l’autre dans un hurlement grinçant, d’une légère pression sur le guidon l’italienne et son généreux cœur Testastretta fait vibrer à chaque instant. Cette motorisation est un vrai régal. Une santé peu commune dope ce twin à n’importe quel régime. Seules des réactions un peu sèches de la fourche et de l’amortisseur grèvent un confort très correct… pour une Ducati.

La firme de Borgo Panigale a beau appeler son jouet « toutes routes », il est clair que celle-ci est bien un nouveau concept GT-supermotard !

En version « sans chevaux », le passage d’un mode moteur à l’autre est quasi transparent, le mode Sport semblant même moins dense. Et pour cause, en mode Urban, la puissance est limité à 100 CV… activer le profil Sport ne donne donc rien du tout. C’est en Touring que la moto parait la plus performante.

Un beau gâchis à ce niveau car ces variantes électroniques sont très convaincantes dans le monde libre. Voilà, un modèle qui va mériter une libération anticipée…



Partie cycle
Extrêmement vive, même incisive, la Multi est conçue sur un cadre et une boucle arrière en treillis tubulaire en acier, complétés par des platines latérales en aluminium forgé. Un massif et superbe monobras oscillant en aluminium transmettent la hargne du bicylindre à la roue arrière.
Particulièrement rigide, le cadre permet un pilotage précis mais n’apporte pas la même sérénité qu’une BMW 1200 GS et donne moins de part à l’improvisation. Sa fourche inversée, au débattement important de 170 mm la rend moins alerte malgré un poids moindre de 12 kg à 189 kilos. Encore un record pour une machine de ce type.

La monte de pneu Pirelli Scorpion Trail est typé GT sport et ne permet en rien de sortir de l’asphalte. L’avant donne un peu l’impression de tomber d’un coup. Le grip est parfait et le boudin arrière encaisse sans faiblir le caractère exubérant du moteur.

Freinage
Particulièrement mordant, puissant et endurant, le feeling est très bon sur route sèche mais le freinage d’origine Brembo radial demandera de la retenue sous la pluie et beaucoup d’abnégation pour une hypothétique utilisation en tout terrain par manque de progressivité.

Le frein arrière, après une course longue de la pédale, se révèle inexistant.

Confort/Duo
Le passager est à la fête : selle confortable et non glissante, position des jambes optimales, cale pieds gainés de caoutchouc,suspensions efficaces… dommage dès lors que la poignée soit si anguleuse !

De même pour le pilote, le confort de la selle est terni par des angles trop marqués qui « taillent » les cuisses après 200 km.

Consommation
Le réservoir de 20 litres assure un peu moins de 300 km d’autonomie, réserve comprise. Plutôt bien, ce qui fait d’autant regretter d’avoir à éventuellement s’arrêter avant pour cause de confort limité.

Conclusion
La Multistrada 1200 est la plus polyvalente des Ducati, mais ne peut être comparée à aucune concurrente du secteur ( BMW R 1200 GS, Moto Guzzi Stelvio) dont elle reste éloignée tant par l’absence de réelles capacités offroad que par ses performances sportives détonantes. Seule la confidentielle Moto Morini Grandpasso se rapproche de cette philosophie extrême.

Moins exclusive que les autres modèle de la marque de Bologne, le trail sport ravira les motards souhaitant goûter au plaisir des twins desmodromique Italien sans en subir les affres: confort spartiate des roadsters, exclusivité des sportives. Ducati reste fidèle à son savoir faire en proposant une machine à part.

Plus cossu et confortable que sa sœur Hypermotarde, plus polyvalente que les Monsters et les sportives ballerines de la marque de Bologne, la Multistrada est une GT-superbike à réserver aux pilotes expérimentés. Pourtant conçue pour le voyage, elle en promet tout de même moins sur ce sujet que feu la routière ST3. Une version Touring, dotée de valises latérales, poignées chauffantes et béquille centrale montées en série se montrera plus convaincante mais aussi plus onéreuse - 18.900 € - que la version de base à déjà 14.900 €. Celle-ci se « contente » d’une fourche inversée Marzocchi de 50 mm de diamètre et d’un amortisseur Sachs entièrement ajustables.

Pour les aventuriers pas trop exigeant sur le confort, pour les sportifs souhaitant rouler avec plus d'aisance ou transformer des trajet urbains et péri-urbains en déplacements gavés de fun, la Multistrada reste un achat coup de coeur, à la finition avantageuse et motorisation jouissive. Sa plastique est magnétique pour les passants et autres usagers de la route et beaucoup la trouve « vraiment très belle ».

Gavée d’électronique hélas peu utile une fois muselée en France, la nouveauté transalpine donne un nouveau sens à la polyvalence : celui de piloter tantôt un roadster agile en ville, tantôt une sportive de haut niveau et, éventuellement, une GT sport fun, le tout avec un style inimitable…
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