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Un temps que les moins de 20 ans ...


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  • 5 weeks later...
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Les arrêts "pompe à essence", c'est toujours un bon moment.
L'occasion de lever le cul de nos brêles, de retendre un sandow qui claque ou simplement d'en fumer une en discutant.
Le plus fort c'est DOUDOU avec son cigare. C'est lui qui sert quoi qu'il arrive. Un rituel. Et l'idée que ça peut foutre le feu aux bécanes et nous claquer aux beignets ça ajoute du piment à nos virées, comme prendre un virage en doublant un truck.
Toujours à se marrer le DOUDOU, même qu'on le laisse faire et ça lui fait plaisir de faire le con en écrasant son brûlot sur le premier réservoir qu'il trouve, une espèce de bizutage qu'on raconte aux filles devant une mousse.
Et puis il y a eu la fois ou 'Tit Paul en a eu marre et qu'il avait trempé un de ses cigares dans son réservoir pour le poser à sécher sur une table et que le DOUDOU il l'avait rangé dans son étui pour plus tard.
Plus tard ça avait été pendant un concert de DODGES, un groupe ROCKABILLY qui jouait le samedi dans l'arrière salle et le cigare avait pratiquement explosé au visage du DOUDOU en entament la visière de sa casquette. La musique s'était arrêté parce qu'on pensait à une bagarre et le DOUDOU il avait continué à fumer comme si de rien n'était. Il pouvait foutre le feu à une HARLEY, alors une casquette...
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"Vas-y grimpe". Et Lynda avait posé ses fesses tout contre celles du Dude. C'était après un run sur le lac salé.
Il avait essoré grave en avalant le sel avec l'idée d'un record pour rire ; le laté avait tout donné et il allait falloir tout resserrer avant de continuer.
Allégée au max la bécane du Dude ; il avait viré le garde boue et le superflu, changé l'aiguille du carbu pour gaver le moulin et réglé l'avance au max.
On avait rappliqué avec l'équipe pour mater l'événement et ça plaisait aux filles de le voir filer comme un trait sur une page blanche.

Did a posé son appareil photo sur mon épaule. Lynda avait gardé son plaid à carreaux et ses lunettes de star pour la photo. On a entendu le miroir du Pentax et Did a dit : "C'est dans la boîte".
Dans nos têtes, il restait le son rauque du Laté et de l'échappement libéré qui vibrait dans l'air comme une roquette.
On a filé se rincer le gosier et la photo a rejoint le coin du bar où s'amassaient les trophées de nos virées, punaisées au dessus des bouteilles, comme autant de bons moments volés au temps qui passe.
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  • 1 month later...

C'est vrai que c'est sympa toutes ces tofs et que ça dégage un max. Pas difficile de plonger dedans, en apnée, et même si on boit la tasse, on émerge gavé d'odeurs d'huile et la tête résonnant de bruits de bécanes.
A force de collectionner ces vieilles tofs, j'commence à en avoir un max, classées par thème (clubs, Hillclimbing, runs, filles, accidents) classées par années (de 30 à 70').
Faudra qu'j'en fasse quelquechose.

drunken

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  • 1 month later...

Ok, je reprends le fil.
Faut dire que ça manque pas les sorties en ce moment, et quand le printemps se pointe, vaut mieux tirer long et mordre l'air saturé de phéromone que rester assis sur sa chaise.

Comme je vous disais, on avait pris l'habitude de fréquenter le club du coin, un mélange d'esthètes de la bécane chic et de fondus de pique-nique, et qu'on se pointait toujours après la messe pour glisser des vannes et draguer les filles pendant la rando. Parce que le but du jeu, c'était de rouler tranquille vers un coin connu seulement des caciques de l'Office du tourisme. Une espèce de rallye qu'on suivait dociles.

On s'habillait propre et Pete passait pas mal de temps sur son blouson à enlever les éclats de bouse de vache et les merdes d'oiseaux. Fallait se présenter convenable. Et on avait aussi des ceintures pour tenir les reins et faire remonter les seins.



Ca plaisait aux filles nos bécanes trafiquées et dépouillées. Avec les détails qui font le charme des cicatrices, comme un décapsuleur à bière que Bory avait vissé sur le mudguard ou une pin up écaillée qui se vautrait sur le réservoir d'huile.



On jouait pas mal de nos airs "canaille". Faut dire qu'on passait pas mal de temps à jouer aux cons après un ballon qu'on coinçait avec nos Harley, ou à sauter sur nos meules pour nous marrer. Et on se prenait pas mal de gadins aussi, ce qui permettait d'alléger les motos de bouts de tôle tordus.





Mais cette fois-ci c'était du sérieux. J'avais repéré une frangine qui me faisait de l'effet et fallait que je la joue tranquille pour la laisser venir. Et devant les potes, ça avait tout d'une course d'obstacles.

Jusqu'à ce que j'invente la course de pneus...


A suivre ...

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A force de suivre le cortège roulant plan plan vers les lieux de pique nique, j'ai eu l'idée d'un jeu brutal pour niquer les dents des barons et dégager du fun. J'en avais marre des full dressed qui sentaient le produit à chrome, des chemises à jabots bien repassées et la musique country commençait à me gonfler grave.
D'abord le Pete, il finissait jamais les verres d'orangeade et on a gambergé un truc plus Rock and Roll pour les après midis mais à la portée des sudistes et de leurs copines accortes.

On a proposé un jeu de parcours, comme dans les fêtes de paroisse mais avec des paris payants et des bières fraîches. A la fin des négociations, on a gagné pour les paris et perdu pour les bières. Ce serait de l'orangeade avec juste un peu de rhum, il a dit le Pete.

Voilà le tableau : un pré bien vert et une rangée de pneus bien usés. Un aller retour en moto sur les pneus pour les candidats ; en duo pour ajouter du fun, et le gagnant remporte la mise ou la double en s'engageant à nouveau.
La veille du jour-où-on-allait-s'éclater, on a bossé avec Pete pendant tout le jour. On a chargé des tas de pneus de chez Franck vers le pré qui longeait la East river, connue pour ses truites et ses culs pâles les soirs de bains de minuit. Le pick-up débordait de cerceaux et de rondelles de tous les diamètres.
Sur une dizaine d'acres, on a répandu par moins d'une centaine de pneus qu'on a fixés avec des bouts de bois.

Le lendemain, on amené tout le monde sur la ligne de départ et Pete a organisé les paris.
Les premiers inscrits ont été les filles du pasteur et la maîtresse d'école qui excitait le Pete. Les femmes avaient chacune la moto du mari ou du grand frère, la plupart des bécanes était flambant neuve avec, à l'arrière, des bumpers chromés qui rappelaient des râpes à fromage.

Les filles se sont avancées jusqu'à la ligne de départ, et quand j'ai baissé le bras, les motos ont vibré avant de foncer droit devant.

La première série, ça a été la cata. Mais pas de bobos trop graves, juste les bécanes qui secouaient les fessiers et faisaient tressauter les poitrines. Que du fun et des rigolades. On commençait vraiment à se marrer.

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Le début de COAST TO COAST

J'ai déniché sur le plus vaste swap meet du monde (la baie of course) une série de photos originales incroyables, en format A3, prises en 1947.
Il s'agissait de photos prises par un gars qui avait décidé un beau jour de relier la côte ouest à la côte est, un COAST TO COAST.
Après de longues tractations avec le vendeur de ces photos, j'ai pu en savoir davantage sur le bonhomme, grâce au témoignage de sa fille.
1947, c'est juste l'après guerre, son père revient blessé, la tête pleine des horreurs vues en Europe, une envie de se laver de tout ça.
Alors l'idée m'est venue de relier toutes ces photos entre elles, avec un texte en rapport.
Je vous mets ici quelques lignes avec des tofs.

Pouvoir étendre mes jambes.

J’ai reculé de trois pas pour m’accroupir derrière la HARLEY DAVIDSON et en mater la silhouette.
La moto demeurait stable sur sa béquille latérale, légèrement penchée sur le côté gauche. Une allure d’étalon en repos, j’ai pensé, une monture de ferraille sanglée de bagages pour un continent à traverser. Minimum de confort, maximum de plaisir. La formule me plaisait bien.
Les sacoches, bourrées d’une intendance d’un mois, attendaient que je les sangle. J’étais parvenu à caser l’essentiel en chemise et sous vêtements, et j’avais rajouté la pompe à pneu et l’extincteur Pyrène qui pesait ses trois kilos.



J’allais pas mal entamer l’aisance du pilote et me priver de la possibilité de pouvoir étendre ma jambe droite par dessus le pare-cylindre.
Ca ne serait pas facile à vivre dans cette position, et ma cuisse allait tirer sur les agrafes au risque de rouvrir la plaie, une nouvelle fois.
Ca faisait 2 ans maintenant. J’avais pu garder ma guibole mais dû renoncer à courir le cent mètres et grimper aux arbres, ce qui relevait d’un renoncement déjà bien lourd. J’avais toujours pensé qu’on se devait ce genre de truc à soi-même, pour le sentiment d’exister et garder le contact avec sa mécanique personnelle.

Avec le temps qui passait, j’en voulais moins aux hommes ; et dans ce coin du continent, loin de tout, l’humanité avait marqué une pause en limitant les possibilités de voir du monde.



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Coast to coast

« Coast to coast », j’ai annoncé au paternel à la fin du repas. Et dépliant sur la table une carte du pays, j’ai tracé au crayon rouge une ligne qui passait par l’UTAH, le TEXAS et les autres états qui reliaient PENSACOLA à SAN FRANCISCO.
Le paternel, il n’a pas répondu de suite, mais à voir sa moue silencieuse, j’étais pas sûr qu’il approuvait.
Difficile de connaître son point de vue. Une constante dans la famille paternelle : les sentiments, ça se ravale comme les larmes, et tordre le cou aux mots jusqu’à les contraindre à la pudeur du silence, c’était comme une règle.
Sans lever le nez de son assiette, il a juste soufflé : « Assieds toi, Petit, tu vas manger froid ».

Et puis, une fois le repas terminé, il a repoussé sa chaise, basculé la tête vers le plafond comme pour étirer ses muscles et a demandé à voir la carte.
J’ai glissé le doigt sur le parcours en insistant sur les noms des villes à traverser, des endroits connus et des points remarquables. J’ai senti un intérêt et lu tout haut les mots YOSEMITE, COLORADO ; le père a alors sorti une bouteille de rhum et il a évoqué ses souvenirs de boulot dans ces mêmes endroits.

Mon père était concessionnaire chez HARLEY-DAVIDSON Co. et devait quelquefois suivre des stages de vente organisés par la Company, dans l’ensemble des Etats de l’Union.



J’ai posé le petit verre sur la carte sans remarquer l’auréole humide laissée autour du point de départ. Le cercle sur la carte faisait comme un chiffre sur le cul d’un bœuf. Une marque de fabrique en somme.
Sûr, j’appartenais à cet endroit.



... À SUIVRE...
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Du sable dans une bouteille

J’avais organisé mon barda pour tout avoir sous la main rapidement, de la paire de lunettes rangée derrière le windshield, au thermo de café coincé sous le buddy. Les outils étaient coincés dans leur coffre métallique, et j’avais vidangé tout ce qui devait pouvoir couler dans le moteur et en lubrifier les rouages.

Maintenant, Dad me regardait tourner autour de la bécane sans piper mot, tout en demeurant assis sur le perron de la concession. Il avait sorti de sa poche l’un de ses petits cigares noirs rapportés d’Italie et tirait dessus en soufflant par le nez.

« Tu vas y arriver, fiston ? ».
J’ai pas répondu de suite, occupé à caler la pompe à air dans son rack. Il a alors tourné la tête vers la bâtisse blanche et en soulevant la visière de sa casquette :
« Tu fermeras l’atelier avant de partir, je dois récupérer des pièces chez Dick avec Rudy. T’auras qu’à planquer les clés là où tu sais. »

J’ai regardé du côté du grand cactus planté sur l’aile de la concession. Une chouette minuscule avait creusé une cachette idéale pour un trousseau de clés.
Une fois, elles étaient tombées de la poche de mon pantalon, dans le désert, juste après que mon père ait reçu les nouveaux modèles 1937, je m’en souviens encore. Je devais avoir dans les douze ans.
Sur le jeu de clé, il y avait le logo Bare and Shield avec l’adresse de la concession.
Il n’y avait qu’à suivre la route et se garer devant le magasin pour embarquer les bécanes et ruiner nos vies.



On avait passé la nuit à chercher ce maudit trousseau à la lumière d’une torche, et je me rappelle du silence de mon père pendant qu’on fouillait le talus.
L’oncle Rudy avait dormi dans le bureau avec un fusil à pompe, et c’est sur le coup de trois heures du mat’ qu’on était tombé dessus, bien planquées qu’elles étaient sous une charogne de chacal toute raide.


Maintenant, le soleil tapait lourd sur la nuque. Nous attendions Rudy qui devait passer prendre mon père pour une livraison.
Dad s’est levé lentement et s’est approché de moi en se protégeant de la lumière. Il m’a alors serré dans ses bras.
Et le son de sa voix m’est parvenu direct dans l’estomac, comme d’une bobine enregistrée que j’aurais avalée avec l’appareil.
« Y te manque rien, fiston, t’es sûr ? »
Il a attendu un peu avant de desserrer son étreinte et a sorti de sa veste un objet enroulé dans un chiffon graisseux.
J’ai souri en palpant la crosse du Lugger :
« Mais Papa, je l’ai ramené pour toi, celui-là.
- Il te sera plus utile qu’à moi. Y’a pas d’étranger qui traîne, par ici. »

Je l’ai regardé un instant dans les yeux.
Son visage avait la patine frottée des cuirs de selle et son allure de cow-boy retraité portait loin l’ombre de ses longues jambes. Se déplaçant avec lenteur, ses doigts avaient gardé la vivacité de la jeunesse quand il bricolait, et j’aimais la façon qu’il avait de se frotter la lèvre inférieure avec le pouce avant de commencer à parler.

La veille, nous avions eu une discussion sur le sens de ce projet. Je savais que j’allais le priver de mon aide pendant quelques semaines, et je m’en voulais. J’avançais à reculons pour ce qui était de le convaincre.
Mais c’était plus fort que moi, il fallait que je parte. Alors, à court d’arguments, j’avais improvisé :
« Je te rapporterai du sable dans une ‘tite bouteille ».
Il avait rigolé en levant la tête et, montrant le désert alentour : « Du sable, fiston, mais pour quoi faire ? ».


Il a tourné le regard vers la piste sur laquelle avançait maintenant le pick-up de l’oncle Rudy, dans un nuage de poussière. J’ai logé le pistolet sous la selle tandis qu’il allait à sa rencontre.

Il a avancé jusqu’au camion dont le moteur continuait à tourner et a grimpé sur le marche-pied avant de regarder de mon côté :
« Et puis n’oublie pas de donner des nouvelles à ta mère de temps en temps, Motard ».

C’est comme ça que j’ai quitté la concession Harley Davidson de Pittsville (CAL.), décidé à traverser le territoire des Etats Unis d’est en ouest, sur ma moto achetée de frais et préparée par mes soins.



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L’histoire de ma moto

L’oncle Rudy avait la passion de la ferraille. Il collectionnait tout ce qui pouvait rentrer dans son garage et connaissait tous les propriétaires d’engins métalliques à 100 miles à la ronde.
Comme il savait que je cherchais une bécane pour « faire le tour du monde », il avait activé ses réseaux et trouvé quelque chose « qui pouvait me convenir ».
C’est comme ça que j’ai grimpé dans son pick-up un beau matin et qu’on est parti vers le nord.
Le soleil n’avait pas encore pointé le plus petit de ses rayons et ça faisait comme une lueur à droite, avec du bleu et du rose, rapport au vent de poussière qui allait se lever dans pas longtemps.
« J’sais pas ce que ça donnera, mais j’ai de bons échos. Le type est un original qui s’est dégoûté de la moto et a acheté une caisse avec la radio dedans. La moto est une seconde main avec peu de bornes au compteur.
- Il veut pouvoir s’asseoir à côté de sa femme. J’peux comprendre.
- Il en a marre aussi de sa femme, fiston. C’est pour ça qu’il a mis la radio. »

On a continué à rouler pendant plusieurs heures, en essayant d’éviter les trous et les carcasses de coyotes qui séchaient sur le bord de la piste. De temps en temps, je jetais un œil sur la droite pour guetter l’horizon rosé et j’appréciais la découpe des cactus et des rochers, comme un cardiogramme rassurant qui bippait sur chaque crête.

Ca a été facile à trouver.
Après le désert, on a suivi le petit ruisseau bordé d’eucalyptus jusqu’à un embranchement qui indiquait Auburn. On a continué en suivant le plan que Rudy avait dessiné sur une feuille et j’ai remarqué une villa en bois, peinte en blanc avec une rangée d’arbres tout autour.
Le gars finissait de tondre sa pelouse, et l’idée de tondre une pelouse sèche était déjà en soi un signe d’originalité.
J’ai regardé mon oncle et il a fait comme un cul de poule avec les lèvres. J’ai compris que c’était pas un gars de chez nous.
Après les présentations d’usage, il nous a conduit dans la remise et soulevé une bâche.

La motocyclette reposait sur sa béquille arrière, toute droite et silencieuse.
Elle m’a tout de suite plu, avec ses deux pneus ballons bien dessinés et son phare jaune de cyclope. Elle attendait tranquillement son heure pour commencer à vivre. Et sûr qu’on partait d’un bon pied pour démarrer ensemble cette putain d’aventure, j’ai pensé.

La plaque d’immatriculation indiquait NY pour New York. Le gars s’était installé dans le coin pour suivre son entreprise avec les meubles et sa femme. Mais l’état des routes lui avaient entamé le cuir des fesses et son moral de rouleur s’était tassé avec ses vertèbres.
Voulait passer à autre chose.
Après examen de la compression du moteur, des roulements de roues et de quelques détails mécaniques, on a tourné autour pour chercher les défauts et négocier le prix. Il en voulait 4 000 dollars, j’en avais 3 500 dans la poche.

Et puis, sa femme a appelé pour le déjeuner, avec un mot pas aimable pour la moto et les tracas qui allaient avec. L’homme, un peu gêné, a tourné la tête et a regardé mon oncle en se grattant la tête :
« 3 500 et vous me videz la cave de toutes les pièces. Vous laissez rien, ok ? »



On a fini de tout charger sur le pick up en milieu de journée. La dame avait préparé des toasts et on a bu tout ce qu’on a pu en bières fraîches et sodas.
C’était une bonne affaire. La moto avait peu roulé, un modèle UL 1937 avec un moteur latéral de 1350 cc.
Papa avait vendu les mêmes bécanes bien avant que je ne parte à la guerre et il y avait encore des gars qui roulaient avec dans le coin et qui saluaient mon père en levant le pouce quand ils le croisaient.
« Harley never dies » j’ai pensé, et j’ai appuyé avec mon pied gauche pour débrayer dans ma tête et enclencher une vitesse imaginaire.
J’avais remarqué le levier à droite et je savais que le premier proprio avait roulé en Indian, avec la possibilité offerte de choisir entre côté droit ou gauche. Habitué à la conduite de ces motos, il avait soudé le levier à droite du réservoir.

J’ai fait le tour de la machine, mentalement, et planifié mon travail pour la mettre à ma main, comme on débourre un cheval avant de poser sa selle perso. J’avais la chance de disposer de l’atelier de la concession. Et de mon père pour m’aider.

Un vent de sable soufflait maintenant en projetant sur le camion des branches de ronces et des herbes mortes, rendant la route encore plus pénible dans l’obscurité. On avait bâché le chargement en prévision, et le pick-up avançait dans l’espace percé de deux cônes de lumière, transportant sur la benne un engin de ferraille et la totalité de mes économies.
Alors j’ai regardé mon oncle et j’ai goûté au bonheur fugace de posséder dans ce camion l’essentiel de ma vie : une famille, une route et un engin pour avancer, dans la poussière au milieu des fantômes.



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Ne penser qu’ à sauver ses fesses
Tournant le dos à la Concession du paternel, j’ai ouvert le robinet d’essence et pompé deux fois à l’aide de la pédale de kick, histoire de faire venir le mélange essence-air dans les deux cylindres. L’avance de la poignée gauche était calée comme il fallait. J’ai tiré le starter à fond et mis le contact.
Le moteur a démarré immédiatement, après que la jambe valide se soit complètement dépliée sur la pédale. J’ai vite ramené le starter, car le moteur montait en température et menaçait de caler. Le rythme s’est alors fait plus lent et un son grave et rond a installé la moto dans un ronronnement de moteur bicylindre en V, plein du bruit de sa tringlerie et de ses soupapes, une mélodie de pistons et de clapets dont j’avais appris à connaître les moindres frémissements et modulations.

Laissant le moteur tourner, j’ai boutonné mon blouson jusqu’en haut, laissant juste un espace pour mon foulard fétiche, un carré de soie rouge appartenant à ma mère. Les gants de cuir, puis un serre-tête pour éviter les coups de soleil et contenir mes cheveux.

La pointe du pied a enfoncé la pédale d’embrayage et j’ai poussé la première.
La moto a secoué ses 350 kg et a lentement pris de la vitesse, soulevant un nuage de poussière jaune derrière elle.
J’ai baissé d’une main les lunettes sur mes yeux, tâté le paquetage sur l’arrière de ma selle et énuméré les objets embarqués comme quand on refait la liste des courses.



On y était.
Parvenue jusqu’à la route goudronnée, la moto a accéléré, comme sur une piste d’envol. Plein d’une excitation soudaine, je suis parti d’un rire sonore en même temps que je laissais le panneau d’Auburn derrière moi, suivant des yeux la dernière éolienne dont l’hélice déglinguée marquait la frontière symbolique.

Plus rien ne me retenait dorénavant, j’avais rompu un lien de terre en filant vers l’est, et j’avançais dans l’espace comme un bonhomme gonflé à l’hélium. Le rire a continué à dégorger son flux irrépressible jusqu’à secouer la lumière du jour et les rides de chaleur, poussant jusqu’aux pentes de Main Hill et ricochant sur les rochers écrasés de poussière. Ce qui avait contenu l’essentiel de ma vie était derrière moi. Derrière moi, le souvenir d’un piéton blessé, vague insecte aux élytres rognées.

J’ai serré fort les poignées, décidé à suivre ce cheval de métal dans sa course, quoi qu’il advienne.

Je ne pouvais compter désormais que sur moi-même, et ça m’allait bien comme doctrine : ne penser qu’à sauver ses fesses.
« Quand tu es seul tu es toi-même » ; c’était le titre d’un article paru dans l’Enthousiast de janvier. La citation était signée Léonard De Vinci dans le texte et j’imaginais bien l’Italien sur une moto lui aussi, dans une pliure du temps qui ferait se croiser nos chemins.

La pointe de la route marquait au loin la direction. Je n’avais qu’à suivre cette flèche de bitume et m’enfoncer dans les coulisses, persuadé que demain se jouait plus à l’est, et que la route elle-même, plus que le but à atteindre, relevait d’un intérêt vital, impérieux et trouble en même temps.



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Connaître la mécanique

J’enfilais maintenant miles après miles, assis sur le buddy, regardant tourner les chiffres du compteur avec la régularité d’une perfusion de glucose. Le moteur avait sa bonne température, et le son régulier avait quelque chose de rassurant dans tout ce silence. Débarrassé du stress du départ, j’étais à la contemplation des images qui avançaient dans la bonne direction.

La route ne m’était jamais apparue aussi déserte, vide qu’elle était de tout objet roulant à surveiller. Un simple mouvement des yeux guidait mon regard vers la gourde entoilée fixée sur la barre transversale du guidon, et une carte de Californie, épinglée sur un fil tendu à la base du windshield contenait la promesse d’une route rectiligne jusqu’au parc de Yellowstone.
Ce devait être ma première étape.

Dans un courrier de lecteur paru dans la revue citée plus haut, j’avais lu le récit d’une pause agréable dans ce parc, une clairière aménagée pour le touriste motorisé : bungalow à disposition, coin barbecue et petit lac pour se baigner. Ca ressemblait à une pub pour la bière, avec les couleurs dorées et des filles en maillot derrière les bécanes neuves.
Une photo pas très nette illustrait le texte. On y voyait l’auteur émergeant d’une tente calée sur le guidon de la moto, et à ses côtés on devinait une tignasse brune et féminine. J’imaginais le confort précaire, l’odeur d’huile et d’essence persistant pendant la nuit. Pas vraiment le rêve pour une nuit d’amour avec sa copine.



Je laissais encore mon esprit vagabonder de collines en collines, notant les changements de végétations, la disparition progressive des cactées au profit d’arbres d’abord rabougris , hésitants, puis installés résolument comme de vrais arbres avec des oiseaux dessus et des branches solides.

Je m’arrêtais régulièrement pour vérifier l’état de la machine, arroser quelques nids de fourmi et me verser une gorgée d’eau tiède au fond de la gorge. J’en profitais pour me repérer sur la carte et soulager ma jambe; l’arrivée dans le parc était prévue pour le milieu d’après-midi.

J’avais calculé juste pour le budget. Ayant appris à vivre avec peu, je pensais me nourrir d’œufs brouillés et de patates pendant un mois, en théorie du moins.
Il n’y aurait pas de toit pour m’abriter, et j’avais emporté une espèce de literie étanche qui pouvait me protéger d’une petite pluie et de la rosée du matin. Donc pas de tente à monter, et à tout prendre, il y aurait sûrement une bonne âme piquée de curiosité pour m’offrir le gîte en cas de grosse averse.

Enfin, profitant du réseau des concessions Harley, j’avais prévu de m’arrêter aux bons endroits pour offrir mes services au chef mécano, le temps de me faire un peu d’argent. Connaître la mécanique, c’est comme savoir cuisiner, il y a toujours à faire quelque part dans ce domaine, et mon père avait passé pas mal de coups de fil tout au long de la ligne rouge.

Rassuré sur ce point, j’étais persuadé de ne mourir ni de faim ni de froid, mais ce qui m’inquiétait le plus, et qui en même temps m’excitait bien, c’était de ne devoir compter que sur moi-même, persuadé d’être à ce point misanthrope que l’idée d’adresser la parole au pompiste me faisait frôler régulièrement la panne sèche.

J’allais me composer un personnage d’ermite motocycliste, autour d’une silhouette sombre et raide de crasse. Mes contacts avec le monde alentour seraient limités au strict nécessaire, et j’étais certain de pouvoir entrer avec facilité dans le personnage du sourd-muet.
La poussière de la route collerait bientôt à mon visage et les lunettes une fois relevées, j’avancerais comme une chouette sonnée jusqu’au comptoir de zinc. Je laisserais tomber au passage un talc d’étoiles que la lumière accompagnerait jusqu’au sol. Cette aura de matière achèverait de me rendre unique, comme tombé du cosmos. Un silence s’installerait forcément dans le bar avant que le patron ne s’approche pour la commande…


J’esquissai un sourire et regardai la route filer sous mes roues. Quelques berlines sombres croisaient maintenant sur la highway et il m’arrivait de doubler un camion bâché ou une familiale remplie de gosses.
Le temps de remonter par le côté gauche, j’avais un regard de biais pour leur intimité, avec la conscience d’être un voyeur éphémère, nourrissant l‘espoir d’une rencontre fulgurante.
Mais le bruit de la moto précédant mon dépassement, et je ne collectionnais que des postures figées et inquiètes.
J’avais alors un geste de la main amical et pacifique. De l’autre côté, la réponse soulagée d’un sourire surpris précédait le mouvement d’une vitrine qu’on descend rapidement. J’en profitais pour tourner plus fort la poignée de gaz, laissant derrière moi la voiture avant l’entame d’un dialogue.




... A SUIVRE ....
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  • 3 weeks later...

Voilà voilà Very Happy

Les deux écureuils de Walt Disney

Le panneau indiquant Yellowstone marquait ma première étape.
Juste un écriteau avec « National Park » tracé à la peinture. Des touristes avaient planté sur le trait de couleur des dizaines de clous ramassés sur la route, tous tordus et bien rouillés. Ca faisait comme une statue africaine avec des bouts de métal et des pointes de toutes formes. J’ai remercié le ciel d’être passé après eux, mais j’étais certain qu’ils en avaient oublié plein les routes et que j’aurai des nouvelles des orphelins dans pas longtemps.

Plus loin, un autre panneau détaillait l’organisation des gîtes et des sentiers à emprunter pour la balade. Il y avait un code de couleur en fonction des longueurs de circuit et ça allait de la demi-heure à la semaine.
Se perdre dans les montagnes pendant une semaine ne m’avait jamais apporté rien de bon, et la dernière fois que je m’étais éloigné de la route, ça m’avait coûté pas loin d’une jambe.
J’avais soif, j’avais faim, j’avais les fesses tannées par le cuir de la selle malgré la fourrure de mouton censée éviter des eschares, et je ne connaissais pas ce mot jusqu’à mon séjour au service des blessés de guerre. J’avais vu les dégâts sur les fesses de plus amochés que moi, des pauvres gars qu’on calmait à la morphine et que les infirmières couchaient sur le ventre pendant leur sommeil.

Continuant à me masser l’arrière train, je me dirigeai vers la guérite devant laquelle stationnait une famille en train de se goinfrer de donuts. Il y avait, plus loin, un magasin avec le nécessaire pour camper, se nourrir, et envoyer des cartes postales.
J’ai acheté une bouteille de coka et quelques œufs durs rangés dans un doggy bag. Je me suis assis contre une souche, le cul bien callé sur des herbes tellement vertes qu’elles semblaient juste repeintes. Tout en épluchant mon premier œuf, je mattais, à côté de moi, un couple d’écureuils tranquilles et pas farouches, jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’ils étaient en vrai plâtre peint.

Je suis resté assis pendant un bon bout de temps, entre le vrai et le faux, ridiculement modeste au milieu d’arbres dont l’ombre avançait avec la lumière déclinante du jour. Je sombrai alors dans mes pensées les plus secrètes, qui allaient du plan éclaté d’un moteur latéral à la poitrine généreuse de Miss Blandy.
Il y avait maintenant tous mes personnages. L’oncle Rudy et son pick up, le cactus et sa chouette naine, l’infirmière qui me tamponnait les fesses et mon maître d’école dont la bouche était cernée de cristaux de sucre.

Mon esprit a continué à glisser vers le néant, d’autres personnages de ma vie sont passés comme sur une scène de théâtre au-dessus de ma tête et ont salué en souriant un public aveugle. Alors, réalisant qu’il s’agissait d’un rêve, je suis sorti précipitamment du théâtre et me suis mis à courir dans une forêt imaginaire et sombre, mais j’étais toujours dans mon rêve.
Dans un dernier sursaut, j’ai repris conscience au moment où j’allais assommer Tic et Tac, les deux écureuils de Walt Disney, avec une batte cloutée.



Je restai un moment les yeux ouverts dans le silence du parc, me demandant bien ce que je faisais là et qui avait ouvert la cage aux écureuils.
Je me relevai avec difficulté, et entrepris de pousser la moto sous un grand cyprès, pour la nuit. Puis, après avoir déroulé sur les fougères mon sac de couchage étanche, j’ai cherché un endroit pour me débarbouiller et vider ma vessie.
Derrière le magasin, j’ai aperçu un box en rondins avec les sanitaires pour hommes.


Quand j’ai posé mon rasoir sur le rebord de l’évier, j’ai levé la tête lentement pour apprécier le travail. Comme je fixai mon regard, j’ai peu à peu reconnu le visage de mon père dans le miroir, avec les mêmes rides autour des yeux et, la poussière sur les cheveux aidant, je me suis senti plus vieux que mon âge.
Je suis resté un moment sans bouger, à suivre précisément les traces du temps sur mon visage, étonné que la distance qui m’éloignait de mon Vieux me rapproche si vite de ce qui allait devenir notre visage commun, avec l’âge.

Depuis l’extérieur du bloc, me parvenaient le bruit des chocs des maillets sur les piquets de tente, les cris des gamins qui couraient dans tous les sens, le chahut des voix de touristes joyeux de se trouver au milieu de l’ordre primitif des grands arbres, toute une panique de sons et de mouvements qui me renvoyaient à d’autres images dans d’autres lieux moins pacifiques.
Je portai machinalement la main à ma jambe et me hâtai de ranger mes affaires de toilette, sous la lumière d’une ampoule électrique attaquée par les papillons de nuit.

Comme j’approchais de mon campement, je devinai la silhouette d’un homme âgé se dirigeant vers moi. Il avait visiblement un truc à me dire :
« C’est à vous la moto, sous l’arbre ? » et il pointait son doigt vers la Harley dont le moteur finissait de refroidir.
Comme j’acquiesçai, il avança dans ma direction.
« Belle machine que vous avez là. Depuis New York, ça fait une traite, dites donc ». Tout en me parlant il examinait plus précisément la moto, s’attardait sur les sacoches et le windshield, s’interrogeait sur la position du levier de vitesse.
« Je ne viens pas de New York, Monsieur, c’est l’ancien proprio qui habitait ce coin. »
Et puis, très vite, comme chaque fois que je rencontrais un curieux, celui-ci s’était mis à parler de sa propre moto, pour ensuite évoquer son passé de motard et finir par me parler de lui-même.
J’avais sorti la trousse à outils et commencé à resserrer la visserie qui avait tendance, sur ces machines, à se carapater avec les vibrations. Je voulais en finir avant la nuit noire. Assis sur l’herbe au milieu des clés plates, je l’écoutais me raconter l’histoire de son knucklehead modèle 1934, tout en hochant la tête pour l’encourager à poursuivre.
Le bonhomme évoquait ses souvenirs d’une voix monocorde, et, tout en l’écoutant j’avais l’impression étrange qu’il racontait les prochains épisodes de me vie future.



A SUIVRE ...

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